Elle avait choisi d'écrire la vie, sur les
Elle avait choisi d'écrire la vie, sur les sentiers couleur d'espoir, parfum de papier … elle fredonnait « à m'asseoir sur un banc cinq minutes avec toi, et regarder les gens tant qu'y en a... et sauter dans les flaques pour la faire râler... te raconter surtout qu'il faut aimer la vie et l'aimer même si... », à la façon de ceux qu'elle admire, « sur mes cahiers d'écoliers, sur mon pupitre et les arbres... sur l'écho de mon enfance... sur la mousse des nuages...bien au dessus du silence... et par le pouvoir d'un mot, je recommence ma vie, je suis né pour te connaître, pour te nommer, Liberté. » Elle trace pour vous la trame de votre histoire, raccommode certains bouts du souvenir, tisse une étoffe nouvelle, assemble, rassemble, accorde les teintes, ose les mariages les plus fous, au point de chaînette elle se faufile pour faire naître,... à l'encre de vos émotions, le livre de votre Vie.
« Je suis faite pour raconter la vie. La vie belle et douce qui me fascine, la vie tranchante et rude qui me bouleverse. Je veux parler du vent, parler des rues bouffées de soleil, écrire l'histoire de ce que je crois voir, l'impression de ce qu'il me semble sentir. Je ne suis pas faite pour raconter ma vie, je ne suis pas faite pour broder sur mon seul morceau de tissu. Je veux cultiver des jardins plus grands que nous, je veux planter des forêts d'émotions même si cela semble trop ambitieux. Je ne peins pas et pourtant, si je peignais je serais ce peintre aux milliers de toiles identiques, aux millions de toiles différentes. Je serais ce joaillier fou qui pêche des perles fines au fin fond des mers du golfe persique, je ne voudrais que des perles fines, de la nacre à en perdre l'orient, décrivant au plus près du chuchotement de l'âme ce lustre délicieux que la nature sait façonner dans ses plus profonds secrets. Je serais ce joaillier et le pécheur à la peau cramée de soleil, je serais la femme amoureuse de bijoux et l'homme heureux de la couvrir d'or. Je ne suis pas faite pour raconter ma vie. Je veux que la vie me traverse, me nourrisse, me donne cette envie de chercher toujours plus loin, de chercher toujours plus haut et tellement plus beau encore. Le ciel peut être gris je dois y coudre du soleil, le monde peut-être triste je dois y faire naître de l'espoir, et même si les feuilles se font rousses, même si l'herbe pousse trop vite, je saurais raconter l'odeur exquise de la pluie sous le soleil revenu, je saurais faire renaître des roses sur le vieux grimpant de la maison.
Je veux sentir encore, je veux chercher sans fin, trouver, douter, mais conserver toujours brûlante cette soif de vivre. Et si choisir c'est renoncer alors je ne choisirais pas. Je ne le peux pas, je ne le veux pas. Je veux rester l'amoureuse de ces vies qui ne sont pas miennes, avoir l’œil ouvert, trop ouvert, l'oreille trop sensible et le cœur écorché. J'accepte de faire saigner mon cœur, j'accepte de n'être d'aucun clan, d'aucune tribu, de cet introuvable monde de ceux qui cherchent. Je veux garder cette soif de l'inconnu, cet amour de l'ordinaire, ce vertige de la banalité d'exception. Arroser la vie de mon admiration pour elle. Retourner mes pensées jusqu'à en avoir les yeux lourds. Il nous faut des nuits tapissées d'étoiles, des aubes couleur de perles, des déjeuners sur l'herbe comme des goûters au goût de crème...
Je ne suis pas faite pour raconter ma vie, pas faite pour étaler ma confiture, pas faite pour compter les pieds de mon droit de rêver, pas faite de briques, ni de mortier. Comme une poussière minuscule entrée dans le ventre d'une huître par un jour de tempête dans l'océan immense, comme une écaille de poisson dans le ventre mollusque d'un coquillage. Que de la poussière puisse naître un gemme fait du quotidien de vivre, tel l'extraordinaire richesse de ce tableau sans cadre. Un tableau peint à la main, sans cadre et sans école, sans peur de déplaire, sans notice d'instruction.
Je ne suis pas faite pour parler de ma vie. La vie ne sait que me porter sur des chemins où je dois ouvrir les yeux, gonfler mes poumons pour respirer l'essentiel, décoder sans lassitude les notes les plus fugaces, les plus rares, les plus invisibles. Faire de l'invisible une couleur à part entière, faire du silencieux une musique pour l'âme. Enfiler une à une les perles, nouer entre chacune pour éviter l'usure, voir en chacune d'elles l'imperceptible différence, la plus totale fraternité, la chère et si possible liberté. Planter des perles pour faire naître des arbres, planter des perles pour fabriquer du pain, pour faire couler de l'eau, de l'encre et du respect. Planter des perles de rosée dans les jardins de la vie des autres, des perles d'amitié là où la colère empoisonne parfois tout.
Je ne suis pas faite pour parler de ma vie. La vie ne sait que me porter sur des chemins où je dois ouvrir les yeux, gonfler mes poumons pour respirer l'essentiel, décoder sans lassitude les notes les plus fugaces, les plus rares, les plus invisibles. Faire de l'invisible une couleur à part entière, faire du silencieux une musique pour l'âme. On ne peut parler de rien si ce n'est pas pour en faire un tout, un tout biscornu, un tout joli, un tout curieux, un tout si personnel qu'il ne peut avoir pour envie que de tendre à l'universalité du moi. Ce nous dont je me nourris, trop incapable à maîtriser le sujet unique d'une vie qui ne parlerait que d'elle. Je ne suis faite que pour parler de la vie, en seconde main que de la sentir avant me traverser au rythme vivant du pouls de mon corps. Un mélange inexplicable de corps et d'âme, à en avoir le vertige... de n'avoir pu encore en percer le plus petit des mystères. »
Julia.B
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